Une reprise non pétrolière à conforter
Brazzaville a accueilli, le 23 septembre, la présentation de la douzième édition du Rapport de suivi économique et financier de la Banque mondiale, un rendez-vous désormais attendu qui éclaire les décideurs sur la trajectoire macroéconomique de la République du Congo et ses priorités.
Placé sous le thème Améliorer la gestion du capital produit, humain et naturel, le document, remis par le directeur de division Cheik Fantamady Kanté, promeut une croissance durable et inclusive, soulignant que la richesse d’un pays dépasse la seule mesure du produit intérieur brut.
La Banque mondiale constate que l’économie congolaise a crû de 2,6 % en 2024, grâce à une activité non pétrolière vigoureuse dans l’agriculture, les services et les travaux publics. Cette embellie reste toutefois jugée modeste au regard des besoins démographiques et des ambitions de développement fixées par les autorités.
Gérer la trésorerie au quotidien
Principal levier à court terme, la gestion serrée de la trésorerie figure au cœur des recommandations. Les experts appellent à renforcer le calendrier de décaissements et à fiabiliser les prévisions de cash-flow afin de prévenir l’accumulation d’arriérés, internes comme externes, qui pèsent sur la confiance des investisseurs.
Un tableau de bord unique recensant les engagements de l’État, associé à un compte unifié, doit améliorer la visibilité du ministère des Finances sur les positions journalières. Selon la Banque mondiale, cet outil contribuera à rationaliser les priorités de paiement et à réduire la volatilité observée en fin de mois.
Le directeur de division, rappelant la situation de surendettement, estime que ces ajustements techniques constituent des préalables indispensables pour consolider la crédibilité financière du Congo-Brazzaville et maintenir le dialogue constructif engagé avec les partenaires, au premier rang desquels le Fonds monétaire international et les créanciers privés.
Diversifier les recettes fiscales
Au-delà de la trésorerie, le rapport salue la progression des recettes hors pétrole, fruit de réformes fiscales engagées depuis 2023. La modernisation des régies financières, l’extension de la télé-déclaration et la lutte contre la fraude ont permis d’élargir l’assiette, limitant la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures.
Les gains demeurent cependant insuffisants pour couvrir l’ensemble des dépenses sociales et d’infrastructures. Le ministre de l’Économie, Ludovic Ngatsé, a insisté sur la nécessité d’accélérer la diversification afin de faire converger le taux de croissance réel et le rythme démographique, condition préalable à l’amélioration tangible du niveau de vie.
Dans cette optique, le secteur privé est appelé à devenir le moteur de l’investissement, soutenu par un climat des affaires simplifié. Les autorités prévoient une révision ciblée des incitations fiscales, la digitalisation des services aux entreprises et la promotion des chaînes de valeur agro-industrielles tournées vers le marché sous-régional.
Capital humain et gouvernance renforcés
Le rapport réserve une place centrale au capital humain. Ses auteurs soulignent que l’éducation, la santé et la protection sociale représentent le socle d’une productivité durable. Chaque franc investi dans la formation de la jeunesse accroît, à terme, le potentiel de croissance et renforce la cohésion nationale.
L’analyse insiste également sur la gouvernance. La consolidation des cadres juridiques, la reddition des comptes et la transparence budgétaire sont considérées comme des piliers permettant d’attirer l’épargne locale et les investisseurs extérieurs vers des projets créateurs d’emplois, notamment dans les transports, les télécoms et la transition énergétique.
Cheik Fantamady Kanté a réaffirmé l’engagement indéfectible de la Banque mondiale aux côtés du Congo-Brazzaville pour appuyer ces réformes. Il a salué la mobilisation des acteurs nationaux, dont la présidente du Conseil économique, social et environnemental, Emilienne Raoul, présente à la cérémonie, gage d’une approche multipartite.
Mesurer la richesse globale pour guider l’action
Nouveauté marquante, le rapport présente une comptabilisation du capital total, intégrant les actifs naturels, humains, physiques et financiers. Cet indicateur élargi fournit une photographie complète de la capacité du pays à générer de la valeur sur le long terme et à préserver son patrimoine environnemental.
Les réserves forestières du Bassin du Congo, par exemple, composent un atout stratégique selon les experts. Valoriser ces écosystèmes grâce à des marchés de services environnementaux et à une gestion forestière durable pourrait diversifier les recettes tout en confortant les engagements climatiques pris par Brazzaville dans les enceintes internationales.
À moyen terme, les autorités envisagent de faire de cet indice de richesse globale un outil de pilotage. Un suivi régulier permettra d’orienter les dépenses publiques vers les secteurs où le rendement social est maximal, garantissant que la croissance profite au plus grand nombre, notamment aux jeunes.
La perspective 2025-2026 esquissée par la Banque mondiale table sur une accélération graduelle sous condition de poursuite des réformes. Les signaux observés, qu’il s’agisse de la discipline budgétaire ou de la mobilisation de partenariats, laissent entrevoir un cap favorable à l’émergence d’un tissu économique plus résilient.
Pour maintenir cette dynamique, le rapport suggère un dialogue permanent entre secteur public, entreprises et société civile. La publication régulière de données financières, l’évaluation indépendante des projets et l’écoute des communautés locales doivent, selon les analystes, consolider la confiance indispensable à l’afflux de capitaux productifs.