Réaménagement stratégique du Comité exécutif de l’U.n
En choisissant de présenter sa nouvelle équipe le 21 juin 2025 dans un hôtel de la corniche du fleuve, Félix Guy Charles Paul Manckoundia a voulu donner à l’événement une dimension à la fois solennelle et tournée vers l’avenir. Le président de l’Union pour la nation — formation enregistrée seulement depuis mai 2024 — a ramené le Comité exécutif national de quinze à treize membres. Au-delà de la réduction symbolique, il s’agit, selon le principal intéressé, de « conjuguer cohésion et réactivité » face à un paysage politique congolais réputé pour la volatilité de ses alliances.
La nouvelle numéro deux du parti, Mme Esther Blandine Claudia Bouanga, ex-juriste de la Commission nationale des droits de l’homme, hérite du secrétariat général. « La méthode sera collégiale mais l’exigence de résultats demeure », confie-t-elle, évoquant les municipales de 2026 comme « premier test grandeur nature ». À ses côtés, Brice Trésor Tsémoua Mbambouly prend la coopération et les relations extérieures, un portefeuille clef pour un mouvement qui revendique déjà des antennes dans la diaspora de Pointe-Noire à Paris.
Un parti émergent en quête d’ancrage institutionnel
L’Union pour la nation fait figure d’outsider. Sans représentation parlementaire, elle s’affiche comme un creuset pour cadres issus de la société civile, du patronat naissant et d’anciens militants de formations plus établies. Selon le politologue Armand Issongo, chercheur à l’Université Marien-Ngouabi, « le parti entend capter le vote urbain des classes moyennes en promouvant un discours de modernisation administrative ». Les nouveaux secrétaires chargés de la prospective, de l’économie solidaire ou encore du numérique reflètent cette volonté de s’inscrire dans les thématiques de gouvernance chère aux bailleurs internationaux.
Pour autant, le mouvement doit composer avec un électorat rural encore majoritaire. En confiant le secrétariat à la culture de paix et aux relations coutumières à Victor Sanadina, notable du Kouilou, Manckoundia signale qu’aucune circonscription ne sera laissée au hasard. Dans un entretien accordé à Radio Congo Internationale, il assure que « la bataille pour le développement commence dans les villages autant que dans les ministères ».
Parité et expertise : une construction minutieuse des équilibres
Par rapport à la première mouture du bureau, la part des femmes passe de 20 % à plus de 30 %. Outre Mme Bouanga, Armandine Murielle Moutila Nsayi obtient les finances et le patrimoine, tandis que Marianne Kipissa Mbélé prend la cohésion nationale. Pour la sociologue Irène Moungalla, citée par Les Dépêches de Brazzaville, « la promotion féminine reste encore timide, mais le signal compte dans un pays où la représentation féminine peine à dépasser 18 % à l’Assemblée nationale ».
Le choix du Dr Rock Stanislas Ngakoly, ancien consultant pour le Programme des Nations unies pour l’environnement, en charge du développement durable traduit également une volonté de parler le langage des bailleurs verts. Le secrétaire chargé de l’éducation, le jeune agrégatif Arel Misma Missamou, affiche pour sa part un profil académique rare dans les états-majors partisans congolais.
La bataille de la visibilité sur l’échiquier congolais
Depuis la présidentielle de 2021, la scène politique demeure dominée par le Parti congolais du travail (PCT) et ses alliés. Pour exister, l’U.n devra s’armer de relais médiatiques, d’alliances locales et surtout d’un narratif crédible. Alain Matala-Demazza, porte-parole et ancien journaliste, promet une communication « axée sur la fact-check culture », manière de se démarquer d’une rhétorique parfois belliqueuse d’autres formations d’opposition.
Des observateurs pointent cependant le risque d’une inflation de programmes sans relais institutionnel. L’analyste Évariste Makosso, de l’Institut d’études de sécurité basé à Dakar, note que « l’enjeu pour Manckoundia sera de convertir son réseau financier — essentiellement issu du micro-entrepreneuriat urbain — en votes tangibles hors des capitales régionales ». Une équation que les nouveaux secrétaires aux adhésions et aux affaires rurales devront résoudre en quelques mois.
Cap sur 2026 : de l’apprentissage interne à l’épreuve des urnes
Le calendrier électoral fixe les locales et sénatoriales à l’été 2026. Conscient de l’exigüité du délai, le président Manckoundia a demandé à chaque secrétaire de présenter avant octobre un plan d’action mesurable. « Nous aurons un tableau de bord trimestriel, inspiré du modèle rwandais de performance contractuelle », glisse Ghislain Mezieba, en charge des questions de travail et d’économie solidaire.
Dans les milieux diplomatiques, plusieurs chancelleries, dont celle de l’Union européenne, suivent avec intérêt la progression de l’U.n, perçue comme « un laboratoire d’idées réformistes » selon une source diplomatique européenne. Mais un conseiller politique africain à Washington rappelle que « l’opposition congolaise voit souvent ses initiatives diluées par les cooptations présidentielles ». Le nouveau bureau, plus resserré, veut croire que la cohérence stratégique primera cette fois-ci.
Entre prudence et audace : un positionnement encore fragile
La réduction du nombre de secrétaires, interprétée par certains comme un recentrage budgétaire, permet également de limiter les conflits de compétences qui minaient la version précédente du bureau. Patrick Elion Mazoumo, chargé des questions électorales, admet que « la priorisation est devenue impérative », confessant que l’ancien schéma à quinze têtes était « difficilement pilotable sans doublons ».
Reste que, dans l’opinion, l’U.n demeure une énigme idéologique. Le parti se réclame du « centre progressiste », un vocabulaire qui, dans le contexte congolais, reste flou. Signe de la prudence ambiante, aucun rapprochement formel n’a été annoncé avec d’autres formations d’opposition comme l’U.pa.d.s ou le Rdd. « Nous dialoguerons avec tous mais fusionnerons avec personne », insiste Manckoundia, qui parie sur un scénario à la macronienne, où un mouvement neuf bouscule le bipartisme historique.
Entre scepticisme et attentes : les partenaires internationaux observent
À Paris comme à Bruxelles, les services chargés de l’Afrique centrale notent l’apparition de figures familières de la coopération internationale au sein du nouveau bureau. Cette conformation cadre avec l’intérêt manifesté par l’Agence française de développement pour des projets de micro-crédit portés par l’Union pour la nation dans le Pool et le Niari. De son côté, la Fondation allemande Konrad-Adenauer a déjà invité deux secrétaires du parti à un séminaire sur la gouvernance locale à Cotonou, signe que les sponsors techniques explorent toutes les pistes avant les locales.
Dans les chancelleries voisines, la prudence domine. « Le défi sera de franchir le seuil de représentativité légale de 5 % pour bénéficier de la subvention publique », rappelle un diplomate gabonais. Si l’objectif n’est pas atteint, la pérennité financière du parti pourrait rapidement se poser, malgré la contribution personnelle du fondateur alimentée par ses activités dans le négoce pétrolier.
Perspectives d’un mouvement en gestation
Au terme de cette recomposition, l’Union pour la nation espère incarner une gauche sociale-libérale aux accents écologistes, rare au Congo-Brazzaville. Son président affiche un credo : « moderniser sans rompre », en privilégiant la gouvernance par projets et la construction patiente d’un socle électoral. Les prochains mois diront si la cure d’amaigrissement du bureau se traduit par une prise de poids politique sur le terrain.
Quel que soit le résultat, le parti aura introduit dans le débat public des thématiques telles que l’innovation technologique rurale ou la valorisation des peuples autochtones. Dans un système souvent polarisé entre stabilité proclamée et contestation sporadique, cette touche d’audace pourrait, selon plusieurs analystes, forcer les formations traditionnelles à redéfinir leurs propres programmes.