Une rentrée sous le signe de l’équité éducative
Mercredi 1er octobre 2025, plus de deux millions d’élèves congolais reprendront le chemin des classes. Pour eux, le ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’alphabétisation promet une nouveauté tangible : des manuels rénovés distribués prioritairement hors des centres urbains.
La remise symbolique organisée le 29 septembre à la préfecture de Brazzaville a fixé le cap. Face aux préfets de six départements, le ministre Jean-Luc Mouthou a confirmé la date et l’ambition : « Le gouvernement est prêt », a-t-il lancé, invitant familles et enseignants à le suivre.
Cette attention portée à l’équité territoriale répond à un constat simple : les établissements ruraux restent moins dotés en supports pédagogiques que ceux de Brazzaville ou Pointe-Noire. En dotant les zones éloignées, l’exécutif entend réduire les écarts de performance en français et mathématiques.
La logistique d’une opération nationale de manuels
Au total, 252 250 ouvrages de mathématiques et 198 050 de français ont été imprimés pour le cycle primaire. Selon Augustin Nombo, directeur général de l’INRAP, le tirage résulte d’une analyse fine des effectifs, commune par commune, afin de limiter les ruptures et les surplus.
La chaîne logistique mobilise camions, barges fluviales et, selon les cas, motos-cargo pour atteindre les écoles du Pool, des Plateaux, de la Cuvette, de la Cuvette-Ouest, de la Sangha et de la Likouala. Chaque préfet reçoit un quota proportionnel au découpage administratif révisé.
Dans chaque chef-lieu, un comité local de suivi comptabilise les caisses, dresse un procès-verbal et supervise le dispatching vers les établissements. « Nous voulons que chaque manuel rejoigne un pupitre identifié », insiste un inspecteur de base, convaincu qu’un inventaire précis évitera les détournements.
Formations pour maximiser l’impact pédagogique
Distribuer un livre ne suffit pas. Le ministère a programmé des ateliers de deux jours pour 4 000 enseignants, centrés sur l’approche par compétences qui structure désormais les programmes. Les formateurs, certifiés par l’École normale supérieure, présenteront les séquences types et les exercices différenciés.
Le département du Pool a accueilli la première session pilote début septembre. « Nous découvrons une maquette plus aérée, avec des consignes simplifiées et des dessins adaptés au contexte local », témoigne une institutrice de Mindouli. Selon elle, l’adhésion des élèves dépendra aussi de la disponibilité du manuel.
Un dispositif de suivi-évaluation accompagne la formation. Des fiches anonymisées mesureront, tous les trimestres, l’évolution des acquis en lecture et en calcul. Les données seront remontées à Brazzaville, où une cellule mixte statistiques-pédagogie orientera, si nécessaire, des appuis supplémentaires vers des écoles en difficulté.
Ruralité et semi-urbanité, des défis ciblés
En zones forestières, la pluviométrie et les distances compliquent l’accès régulier aux supports. L’opération de 2025 tente d’anticiper ces contraintes en stockant des lots tampons dans six centres secondaires pour éviter les ruptures pendant la saison des pluies, souvent synonymes d’isolement pour les écoles.
Dans les agglomérations semi-urbaines, le défi est différent : classes surchargées et rotation rapide des élèves fragilisent l’utilisation durable des manuels. Le ministère encourage la mise en place de bibliothèques de classe pour mutualiser les ouvrages et limiter l’usure liée aux emprunts individuels.
Les partenaires techniques, dont l’Unesco, appuient la démarche. Un représentant régional salue « une approche pragmatique qui allie production nationale, distribution fine et accompagnement pédagogique ». Bien qu’aucun chiffre supplémentaire ne soit avancé, l’organisation évoque une possible contribution pour la réimpression future des titres.
Perspectives pour le système éducatif congolais
Le ministère estime que l’effort consenti depuis deux ans a déjà réduit de 25 % le déficit global de manuels au primaire. La cible officielle prévoit un ratio d’un livre par élève et par discipline de base d’ici 2028, un objectif jugé réalisable par les services techniques.
Sur le terrain, les directeurs d’école espèrent un effet domino. « Un élève équipé d’un manuel suit mieux et abîme moins le mobilier en quête de brouillons », affirme le responsable d’une école de Makoua. Les inspecteurs notent déjà une baisse des absentéismes lors des évaluations diagnostiques.
À moyen terme, la digitalisation pourrait compléter la dotation papier, mais Jean-Luc Mouthou préfère avancer par paliers. « Il faut d’abord garantir le support physique partout, ensuite nous penserons aux tablettes », rappelle-t-il. Pour l’heure, le manuel reste le socle incontournable de la réussite scolaire.
Le financement de l’opération repose sur une enveloppe de 1,2 milliard de francs CFA, inscrite au budget 2025 du programme Éducation pour tous. Le ministère affirme que 80 % des sommes ont servi à la production locale, dynamisant ainsi la filière d’imprimerie installée à Brazzaville.
Parallèlement, une campagne de communication sensibilise parents et élèves à la conservation des livres. Spots radio en langues locales, affiches dans les marchés et séances d’animation dans les églises rappellent l’importance de couvrir, dater et ranger chaque manuel pour prolonger sa durée de vie.
Au final, cette rentrée veut conjuguer disponibilité matérielle et mobilisation communautaire.
Les premiers retours, attendus en décembre, permettront d’ajuster le dispositif avant la reprise du second trimestre.