Enjeux de la route Piem–Kindamba
Reliées à Brazzaville par une artère parfois impraticable en saison des pluies, les localités du corridor Piem–Kindamba voient s’ouvrir une nouvelle ère. Mardi, à Mindouli, l’État a lancé un vaste projet de modernisation de cette route stratégique de 86 kilomètres.
Un axe vital pour la cohésion territoriale
Le tronçon traverse un bassin agricole qui alimente la capitale en manioc, arachide et produits maraîchers. Les interruptions récurrentes de trafic fragilisent la chaîne logistique et restreignent l’accès aux services sociaux de base pour près de 120 000 habitants du département du Pool.
Pour l’économiste Jean-Loup Matsoua, « chaque journée de blocage augmente de 15 % le coût des denrées sur les marchés de Brazzaville ». L’amélioration de la voirie est donc perçue comme un levier de stabilisation des prix et de consolidation du pouvoir d’achat urbain.
Les élus locaux rappellent, de leur côté, que la route est également empruntée par des véhicules de secours et des convois humanitaires, illustrant son rôle dans la cohésion territoriale et la prévention des inégalités entre zones urbaines et rurales.
Des détails techniques ambitieux
Le projet, financé à hauteur de 1,7 milliard FCFA par le Fonds routier, prévoit un dégagement de l’emprise à dix mètres, le reprofilage intégral de la plateforme et l’application de matériaux latéritiques stabilisés par traitement de sol, technique jugée plus durable que les solutions antérieures.
Dix-neuf dalots en béton armé seront construits, dont plusieurs doubles de grande section capables d’évacuer les crues saisonnières et de limiter l’érosion qui ronge les accotements. Les entreprises Cipam et Universelle Atlantique BTP se partagent les deux lots du chantier.
Le contrôle technique est assuré par le Bureau de contrôle des projets de travaux publics, tandis que la Direction générale de l’Entretien routier suit l’avancement afin de garantir la conformité aux normes de résistance prévues dans le Programme national d’entretien routier 2025.
Selon l’ingénieur principal, Grâce Kibangou, « l’utilisation de géotextiles sous les zones argileuses réduira les phénomènes de tassement et permettra de prolonger la durée de vie de l’infrastructure au-delà de quinze ans sans reconstruction majeure ».
Un impact socio-économique attendu
Le ministère estime que les temps de trajet entre Piem et Kindamba passeront de trois heures à une heure vingt, ce qui favorisera la mise en marché rapide des récoltes et renforcera la compétitivité des producteurs face aux importations voisines.
Dans une région où plus de 70 % des ménages vivent de l’agriculture vivrière, la diminution des coûts de transport pourrait accroître de 25 % le revenu moyen, avance le sociologue Brice Mayoukou, spécialiste des dynamiques rurales au Congo.
Les commerçants de Mindouli espèrent aussi profiter de l’arrivée plus régulière de marchandises manufacturées. « La route neuve signifie plus de choix pour nos clients et moins de pénuries », souligne Mireille Ngoma, gérante d’une quincaillerie installée près du marché central.
Le secteur des transports devrait créer une centaine d’emplois saisonniers pendant le chantier, puis susciter l’ouverture de nouvelles lignes de taxi-bus une fois la chaussée achevée, complétant ainsi l’offre de mobilité dans les districts frontaliers de la capitale.
Un chantier inscrit dans une vision nationale
Depuis 2016, le gouvernement a priorisé la réhabilitation de 5 000 kilomètres de routes secondaires afin de renforcer l’intégration nationale et de soutenir la diversification économique. Le tronçon Piem–Kindamba s’insère dans ce maillage destiné à relier chaque chef-lieu départemental aux grands axes.
Le ministre Juste Désiré Mondélé rappelle que ces investissements répondent au Plan national de développement 2022-2026, élaboré sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso pour consolider la croissance inclusive et la paix par l’amélioration des infrastructures de base.
Le Fonds routier, alimenté notamment par la taxe spécifique sur les produits pétroliers, garantit la soutenabilité financière du programme. En 2023, il a mobilisé 52 milliards FCFA, dont 38 % ont été alloués au réseau rural, selon son dernier rapport annuel.
Une dynamique de gouvernance participative
La cérémonie de lancement a réuni autorités administratives, représentants des différentes formations politiques et organisations de la société civile. Un comité de suivi citoyen, comprenant des chefs coutumiers et des associations de jeunes, veillera au respect du calendrier et à la transparence budgétaire.
Pour la présidente du collectif Femmes du Pool, Pauline Loufoua, « associer les communautés à l’évaluation des travaux renforce la confiance et incite les usagers à protéger les ouvrages ». Plusieurs sessions de sensibilisation à l’entretien routier sont prévues dans les écoles.
Les ingénieurs insistent également sur l’importance de la limitation des charges à l’essieu. Des points de contrôle mobiles seront installés pour éviter la dégradation prématurée, mesure saluée par les transporteurs qui y voient une garantie de pérennité des investissements publics.
Si les premiers engins sont déjà à l’œuvre, les populations attendent avec impatience la fin des pluies pour constater les premiers remblais. « Nous serons vigilants, mais optimistes », résume le notable Antoine Mvoulou, exprimant un sentiment partagé sur tout le corridor.