Le transport, clef de voûte d’une vision stratégique
Le 8 août dernier, dans l’auditorium feutré d’un hôtel de Brazzaville, universitaires, cadres ministériels et capitaines d’industrie ont découvert la somme de recherches réunies par le Dr Dominique Candide Fabrice Koumou Boulas sous le titre « Impact du secteur des transports et de logistique sur le développement économique et social pour l’intégration régionale de la République du Congo ». Publié aux éditions L’Harmattan, l’ouvrage, préfacé par le Pr Yassine Helmi, s’inscrit dans la trajectoire impartie par les autorités congolaises : faire de l’interconnexion des territoires une matrice de la croissance inclusive.
Un diagnostic structuré des infrastructures nationales
À travers ses 265 pages, l’auteur refuse de réduire les routes, les rails ou les quais portuaires à une simple question d’ingénierie. Il les analyse comme des variables macro-économiques capables d’infléchir la courbe du produit intérieur brut, tout en consolidant la cohésion territoriale. Les études consacrées au port de Pointe-Noire, aux corridors de transit vers l’hinterland ou encore aux futures zones économiques spéciales démontrent que chaque chaîne logistique bien huilée peut accroître de plusieurs points la valeur ajoutée locale. Cette approche, saluée par le Pr Moukala Kadima Nzusi lors de la critique littéraire, fait émerger la logistique comme discipline stratégique, au croisement de la planification budgétaire et de la diplomatie économique sous-régionale.
Diversification économique : le potentiel multiplicateur
La raréfaction progressive des rentes extractives, conjoncture internationale oblige, impose de nouveaux relais de croissance. Sur ce terrain, le Dr Koumou Boulas avance des projections : la modernisation de l’axe ferroviaire reliant le sud au nord pourrait générer jusqu’à 40 000 emplois directs et indirects, tandis qu’une politique de cabotage côtier soutenue réduirait de 15 % les coûts logistiques des PME. L’auteur met en exergue la convergence entre ces chiffres et la feuille de route gouvernementale visant à consolider la Zlecaf ; une convergence qui, en définitive, renforce la crédibilité du Congo comme pivot naturel entre océan Atlantique et bassin du Congo.
Financements innovants et souveraineté budgétaire
Le chapitre consacré aux ressources financières propose une lecture nuancée du recours à l’endettement. Tout en reconnaissant la nécessité des marchés de capitaux pour des projets d’envergure, l’ouvrage souligne l’existence de gisements de recettes internes longtemps sous-exploités. Les redevances portuaires, le transit régional ou encore les partenariats public-privé adossés aux zones économiques spéciales pourraient, selon l’auteur, stabiliser durablement les finances publiques. Dans un contexte international marqué par la volatilité des prix des matières premières, cette stratégie de captation de valeur logistique permettrait de sécuriser l’action sociale de l’État sans renoncer à ses ambitions infrastructurelles.
Capital humain et coopération sous-régionale
En adepte d’une approche systémique, le Dr Koumou Boulas consacre de longs développements à la formation. Le déficit de compétences en gestion portuaire, en affrètement maritime ou en entretien ferroviaire constitue, affirme-t-il, un frein aussi tangible qu’un pont manquant sur un corridor. L’auteur salue ici les initiatives déjà engagées par les pouvoirs publics, de l’Institut national du transport au Centre TRANMAR, qu’il dirige, et invite à les inscrire dans un partenariat renforcé avec les États voisins. Car l’intégration régionale ne se décrète pas : elle se construit sur une reconnaissance mutuelle des normes, l’interopérabilité des guichets uniques et la circulation des savoir-faire. « L’Afrique centrale dispose des atouts pour devenir un hub continental, à condition de conjuguer ses énergies », résume-t-il dans l’ultime chapitre.
Vers une diplomatie de la logistique
Au fil des pages, le livre plaide pour une diplomatie économique proactive, alignée sur la vision présidentielle de développement par les infrastructures. Les corridors routiers et ferroviaires, argumente l’auteur, renforcent autant la souveraineté que le rayonnement régional, en offrant au Congo l’occasion de se positionner comme carrefour incontournable entre l’estuaire du fleuve Congo et les pays enclavés. Cet axe de réflexion, loin d’être théorique, trouve déjà un écho dans les négociations en cours au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
Pour un consensus opérationnel
En définitive, l’ouvrage rappelle que la modernisation logistique ne se résume ni à une addition de kilomètres de bitume, ni à une juxtaposition de containers. Elle constitue un projet de société, articulant développement humain, compétitivité et ouverture régionale. En offrant un cadre analytique solide et des recommandations opérationnelles, l’auteur fournit aux décideurs congolais un instrument de pilotage pertinent. La densification des infrastructures, combinée à une gestion rigoureuse et à la montée en compétences des ressources humaines, apparaît ainsi comme la trajectoire la plus à même de garantir durablement la prospérité partagée que le pays ambitionne.