Le Sameb s’érige en vitrine d’une politique de diversification
Annoncée du 11 au 25 août, la quatrième édition du Salon des métiers du bois ne se contente pas d’occuper les halls d’exposition de Brazzaville ; elle s’inscrit dans la feuille de route nationale qui vise à élargir la base productive au-delà des hydrocarbures. Sous le patronage du Premier ministre et la coordination conjointe des ministères en charge des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Économie forestière, l’événement illustre la cohérence d’une stratégie où l’artisanat se voit attribuer un rôle catalyseur de croissance inclusive. « En faisant dialoguer forêt, atelier et foyer, nous rappelons que la valeur ajoutée peut et doit naître localement », a fait valoir la ministre Jacqueline Lydia Mikolo lors d’un échange avec la presse.
PME et artisans : le cœur battant de la filière bois
Derrière les stands polis qui présenteront mobilier, sculpture ou vannerie, se déploie un réseau d’environ 40 000 emplois directs, selon les estimations de la Cellule d’appui aux PME. Ces unités, souvent familiales, transforment des essences locales – sapelli, ayous, wengué – dont la renommée dépasse déjà les frontières régionales. Le Sameb entend leur offrir un effet de levier commercial et technologique : des ateliers de formation sur la finition écologique, la gestion financière ou la certification qualité accompagneront l’exposition. La présence annoncée de bailleurs internationaux souligne l’intérêt croissant pour un tissu productif susceptible de structurer une classe moyenne urbaine tout en désenclavant les zones rurales.
Le patriotisme économique comme moteur de la demande intérieure
La ministre Mikolo n’a pas éludé le constat : le consommateur congolais demeure friand de mobilier importé, souvent à des prix supérieurs à ceux pratiqués localement. À ses yeux, l’enjeu dépasse la simple préférence esthétique ; il s’agit d’un réflexe économique à rééduquer. L’argument se veut autant identitaire que rationnel : acheter local, c’est soutenir les recettes fiscales, conserver la valeur au pays et réduire l’empreinte carbone liée au transport des marchandises. Les concepteurs du salon insistent sur la compétitivité, rappelant qu’un ensemble de meubles produits à Makélékélé peut rivaliser en qualité avec ceux en provenance d’Asie tout en demeurant 20 % moins onéreux, tout frais compris. « Le meilleur ne vient pas toujours d’ailleurs », résume la patronne de la PMEA.
Une plateforme de diplomatie économique sud-sud
Au-delà des frontières nationales, la manifestation embrasse une logique d’intégration régionale. Le Maroc, l’Angola, la Namibie et la République démocratique du Congo ont confirmé leur participation, transformant Brazzaville en carrefour d’échanges sud-sud. Les discussions bilatérales porteront autant sur l’harmonisation des normes que sur la coproduction d’objets design destinés aux marchés européens. Dans un contexte où la mise en œuvre du Marché commun de l’Afrique orientale et australe progresse, ces convergences sectorielles augurent d’un surcroît de compétitivité pour les entreprises congolaises. L’enjeu est double : conquérir de nouveaux débouchés tout en attirant des investissements susceptibles de moderniser la chaîne de valeur, depuis la scierie jusqu’au showroom.
Gestion durable des forêts : un impératif de réputation
L’exploitation du bois n’échappe pas aux exigences contemporaines de gouvernance environnementale. La République du Congo figure parmi les signataires de l’Accord de partenariat volontaire avec l’Union européenne sur l’application des réglementations forestières. Dans cette perspective, le Sameb sert aussi de forum de sensibilisation aux certifications FSC ou PEFC, dont la progression demeure un critère d’accès aux marchés haut de gamme. Des chercheurs de l’Université Marien-Ngouabi présenteront les premiers résultats d’une étude montrant que la transformation locale réduit de 32 % les émissions de CO₂, comparativement à une exportation brute des grumes. En combinant haute exigence écologique et ambition industrielle, les organisateurs entendent démontrer que la durabilité n’est pas un frein mais un facteur d’attractivité.
Perspectives : vers une économie d’objets identitaires
À mesure que le bois congolais sort de l’ombre, c’est une esthétique singulière qui s’affirme, porteuse d’une mémoire collective et d’un récit contemporain. Plusieurs designers, diplômés de la Faculté des arts appliqués, explorent désormais des lignes inspirées des motifs kongo ou téké. Cette « économie d’objets identitaires » pourrait alimenter un tourisme culturel déjà dynamique le long du fleuve. À terme, les promoteurs du Sameb ambitionnent de doubler la contribution de la filière bois au PIB non pétrolier d’ici à cinq ans. L’édition 2023, régie par une organisation sans faille et soutenue au plus haut niveau de l’État, représente un jalon décisif. Elle rappelle que le bois, loin d’être un simple produit de rente, est un marqueur de souveraineté économique, sociale et environnementale pour la République du Congo.