Un triomphe juvénile qui dépasse l’arène du jeu
Lorsque Briny Oscar Matouridi, dix-sept printemps à peine, a franchi le seuil de la primature de Brazzaville le 26 juillet dernier, le tintement de ses cinq médailles a résonné comme une ponctuation victorieuse dans le silence solennel des salons officiels. Deux ors, une argent et deux bronzes récoltés aux 53ᵉs Championnats du monde francophones de Scrabble, au Québec, le situent déjà dans l’histoire d’un sport de l’esprit que l’on confond trop souvent avec un simple divertissement familial. « Je suis fier d’avoir hissé haut le drapeau du Congo », a confié le lauréat, relayant une fierté collective qui se mesure autant en points marqués qu’en symboles projetés.
Une vitrine diplomatique pour la francophonie
Dans une conjoncture internationale où l’influence se décline aussi sur les plateaux de jeux, la performance du jeune prodige vient conforter la diplomatie culturelle congolaise. Le français, langue de compétition du Scrabble, constitue un vecteur de rayonnement que Brazzaville cultive depuis la célèbre Conférence de 1960. Le Premier ministre Anatole Collinet Makosso ne s’y est pas trompé : en saluant « la victoire d’un esprit bien formé », il a rappelé que les chantiers du soft power ne se limitent plus aux arts ou à la musique, mais englobent désormais les joutes lexicales où se déploie l’ingéniosité linguistique nationale.
Le soutien institutionnel, catalyseur de talents
Adossé au ministre de la Jeunesse et des Sports, Hugues Ngouelondélé, le gouvernement entend transformer cet exploit isolé en dynamique pérenne. « La performance de notre champion prouve qu’en encadrant la jeunesse, le Congo peut figurer parmi les grandes nations », a déclaré le chef du gouvernement. Les experts en sociologie du sport estiment que la reconnaissance officielle offre une légitimité décisive à une discipline encore marginale dans les budgets publics. Les prochaines semaines devraient voir l’émergence d’un programme national d’accompagnement des clubs scolaires, socle d’une politique dont l’objectif déclaré est de « mettre chaque mot en mouvement dans l’esprit de nos enfants ».
Scrabble et chantier éducatif national
Au-delà de l’événement médiatique, les pédagogues perçoivent dans le Scrabble un formidable outil d’alphabétisation active et de cognition stratégique. Les statistiques du ministère de l’Éducation, publiées en juin, montrent qu’un élève sur trois en zone urbaine rencontre encore des difficultés majeures de lecture à l’âge de dix ans. L’introduction encadrée du Scrabble dans les programmes extrascolaires pourrait contribuer à inverser cette tendance, en stimulant l’acquisition du vocabulaire et la flexibilité mentale. Certains chefs d’établissement pilotes de Pointe-Noire rapportent déjà une amélioration de 12 % des scores de compréhension écrite parmi les participants à des ateliers hebdomadaires.
Vers une économie de la connaissance lexicale
Le retentissement économique d’un tel succès n’est pas anecdotique. L’essor des industries de jeux éducatifs, estimé à 14 milliards de dollars sur le marché francophone, offre au Congo une niche stratégique où l’exemple de Matouridi peut servir de label. Des entreprises locales de conception d’applications ludo-pédagogiques envisagent de développer des versions numériques intégrant les particularités lexicales bantoues, faisant du Scrabble non seulement un pont entre générations, mais également un incubateur d’innovations numériques à haute valeur ajoutée.
Le mot de la fin sur un plateau prometteur
Dans l’univers très compétitif des sports intellectuels, le parcours fulgurant de Briny Oscar Matouridi trace une diagonale d’espérance pour la jeunesse congolaise et conforte la stratégie gouvernementale de capitaliser sur ses élites émergentes. Si l’étymologie du terme « scrabble » renvoie à l’idée de chercher fébrilement, le Congo, lui, semble avoir trouvé, dans le bruissement des lettres, une voie originale pour conjuguer cohésion sociale, diplomatie culturelle et développement cognitif. Sur l’échiquier lexical où se dessinent désormais les contours d’une influence revisitée, chaque tirage devient promesse, chaque combinaison, métaphore d’un avenir que l’on souhaite gagnant à plus d’un titre.