Objectif de fiabilisation des chiffres commerciaux
Igné, petite localité paisible du département de Djoué-Léfini, a accueilli le 10 novembre un atelier stratégique. Statisticiens, douaniers, pétroliers et banquiers y ont posé les bases d’un nouveau cadre technique et légal destiné à fiabiliser la photographie des échanges du Congo-Brazzaville avec le reste du monde.
L’initiative est pilotée par l’Institut national de la statistique, engagé dans le Programme d’harmonisation de la production statistique en Afrique conduit par l’Union africaine. Elle répond à une exigence simple : disposer de données exhaustives, cohérentes et publiées à intervalles réguliers pour orienter les politiques publiques.
« Un pays qui ne mesure pas, planifie à l’aveugle », a résumé Amzy Perdya Gnalabeka, directeur des enquêtes à l’INS, en ouvrant les travaux. Pour lui, l’amélioration de la qualité statistique deviendra un levier de compétitivité, autant pour l’administration que pour les entreprises exportatrices.
Une mobilisation interinstitutionnelle inédite
Autour de l’INS, les douanes, la Banque des États de l’Afrique centrale, la Société nationale des pétroles du Congo, l’Énergie électrique du Congo, les ports de Brazzaville et de Pointe-Noire ou encore le Guichet unique des opérations transfrontalières ont accepté de partager leurs bases de données.
Cette ouverture constitue une première. Jusqu’alors, chaque acteur produisait ses chiffres selon ses standards, générant doublons. Le nouveau cadre adopte une nomenclature unique, des formats électroniques communs et des points focaux pour fluidifier la remontée des données.
Thierry Elemba, chef du service statistiques du commerce extérieur à l’INS, souligne que ces relais « seront formellement désignés dans les semaines à venir ». Leur feuille de route inclura la validation conjointe des séries trimestrielles afin d’éviter toute divergence de publication entre institutions.
L’enjeu stratégique des statistiques pour le Congo
Au-delà de la technique, les participants ont rappelé les enjeux macroéconomiques. Le commerce extérieur représente près de 80 % du PIB, porté par le pétrole, le bois et l’électricité. Un écart de quelques points entre la réalité et la statistique peut fausser la trajectoire budgétaire.
Les décideurs s’appuient en effet sur ces tableaux pour calibrer les droits de douane, négocier les accords commerciaux ou apprécier la santé de la balance des paiements. Les investisseurs, eux, scrutent la régularité de la diffusion officielle avant de positionner leurs fonds sur les projets locaux.
À l’échelle internationale, l’harmonisation voulue par l’Union africaine ouvre aussi la porte à une meilleure comparaison entre pays membres de la CEMAC. Selon un économiste présent à Igné, « des chiffres robustes renforcent la crédibilité d’un État et facilitent l’accès aux marchés financiers régionaux ».
Un dispositif soutenu par des partenaires internationaux
Le projet bénéficie d’un appui financier du Groupe Banque mondiale via son programme d’Harmonisation et amélioration des statistiques en Afrique de l’Ouest et du Centre. Cet appui couvre les formations, les équipements informatiques et la mise en réseau sécurisée des bases de données nationales.
Le soutien technique s’appuie également sur la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, qui fournira des experts afin d’ajuster la méthodologie aux standards du Système de comptabilité nationale 2008 et aux recommandations révisées de l’ONU sur les statistiques du commerce international.
Prochaine étape : collecte trimestrielle sécurisée
La feuille de route adoptée à Igné prévoit une phase pilote dès janvier prochain. Les administrations partenaires devront transmettre leurs bases brutes au sein d’un entrepôt numérique géré par l’INS. Un algorithme de rapprochement contrôlera les doublons avant la diffusion d’un tableau de bord unifié.
Les données seront ensuite validées lors de sessions trimestrielles regroupant les points focaux. Ce calendrier rapproché ambitionne de réduire le délai de publication actuellement estimé à plus d’un an. Les entreprises exportatrices disposeront plus rapidement d’indicateurs pour anticiper les variations de la demande internationale.
Sur le terrain, plusieurs opérateurs privés saluent la démarche. UniCongo considère qu’une statistique fiable renforcera la compétitivité du port de Pointe-Noire face aux hubs régionaux. La Chambre de commerce de Brazzaville espère, elle, disposer de séries régionales pour aiguiller la diversification industrielle.
À l’issue de l’atelier, les participants ont adopté un projet de décret précisant les obligations de transmission des données et les règles de confidentialité. Le texte sera transmis au gouvernement pour approbation. Une fois promulgué, il donnera une base légale solide au nouveau dispositif.
En attendant, l’INS se prépare à former une première cohorte de statisticiens-analystes capables de croiser sources douanières, déclarations bancaires et rapports d’entreprises. « Les utilisateurs jugeront notre réussite à la régularité des publications », confie Amzy Perdya Gnalabeka. Le chronomètre est désormais lancé.
Le ministère de l’Économie voit dans cette évolution un outil de pilotage budgétaire. « Nous pourrons ajuster plus vite nos prévisions de recettes douanières », assure un conseiller. La mesure pourrait aussi alimenter le futur système de traçabilité des recettes non pétrolières en préparation.
