Une visite au pas de charge
Le 7 novembre, les couloirs de l’hôpital de référence du district sanitaire de Talangai ont changé de rythme : le ministre de la Santé et de la Population, Jean Rosaire Ibara, est arrivé sans préavis pour une mission d’inspection.
Accueilli par le directeur général, Firmin Eyikili, le ministre a parcouru les urgences, la maternité et la pédiatrie, avant de jeter un coup d’œil attentif aux travaux de rénovation du service de réanimation, toujours en chantier mais jugés prometteurs.
Partout, son cortège a déclenché un ballet d’excuses et de saluts, révélateur d’un certain malaise : chacun pressentait que cette descente visait moins la vitrine que les dysfonctionnements enracinés dans le quotidien de l’établissement.
Au terme du parcours, Jean Rosaire Ibara a réuni cadres administratifs et soignants dans une salle exiguë. Le ton, courtois mais ferme, a planté le décor d’une séance de vérité consacrée aux pratiques qualifiées d’« anti-professionnelles » par le membre du gouvernement.
Signal d’alerte sur les dérives
Premier grief pointé : la vente illicite de médicaments. Selon le ministre, certains agents font croire aux patients que la pharmacie hospitalière est vide, puis écoulent, dans les couloirs, leurs propres stocks acquis par des circuits parallèles.
Dans la même veine, les kits de césarienne, officiellement gratuits sur décision présidentielle, seraient parfois monnayés. La pratique, qualifiée d’« inadmissible », rompt le lien de confiance entre familles vulnérables et système de santé censé les protéger.
Autre dérive mentionnée : l’orientation systématique d’examens vers des laboratoires privés, alors que les plateaux techniques internes peuvent les réaliser. Des prélèvements illicites de quotes-parts sur les frais de consultation complètent un tableau déjà sombre.
Jean Rosaire Ibara a également relevé des prolongations abusives d’hospitalisation, motivées moins par le souci thérapeutique que par la facturation prolongée. « Le gain ne doit pas remplacer la vocation », a-t-il rappelé, évoquant le serment d’Hippocrate.
Discours de responsabilité et d’éthique
Face aux personnels rassemblés, le ministre a adopté un ton pédagogique, multipliant les exemples concrets pour illustrer la dérive. Il a toutefois insisté : l’objectif n’est pas la sanction pour la sanction, mais la restauration d’une éthique professionnelle partagée.
« Si vous souhaitez gagner davantage, démissionnez et ouvrez vos cliniques », a-t-il lancé, rappelant que les recettes de l’hôpital public relèvent du Trésor. Le message vise à dissuader les conflits d’intérêts nés d’activités parallèles.
Le Pr Ibara a par ailleurs souligné que la vocation sanitaire reste « une profession tournée vers le bien des autres ». Toute dérive, selon lui, malmène non seulement les malades mais aussi l’image de l’institution et, par ricochet, celle de l’État.
Pour donner corps à ses propos, il a demandé l’élaboration d’un plan de redressement interne. Celui-ci devra recenser les manquements, fixer des échéances et associer chaque catégorie professionnelle. « Nous rectifierons le tir ensemble », a-t-il assuré, sous les applaudissements.
Objectif : relancer la performance
Le ministre a également pointé la pléthore de personnel : 1 116 agents permanents pour l’hôpital de Talangai. Une restructuration est exigée afin d’adapter les effectifs aux besoins réels et de rationaliser la masse salariale.
La direction devra ainsi identifier redondances et doublons, tout en veillant à préserver les compétences clefs. L’enjeu est double : améliorer la qualité de prise en charge et redonner à l’établissement des marges financières pour investir dans l’équipement.
Parallèlement, les travaux de rénovation de la réanimation progressent. Ce chantier est perçu comme le symbole d’un renouveau possible : offrir un plateau technique moderne, capable de retenir les patients qui, hier encore, cherchaient ailleurs des soins spécialisés.
La remise à niveau des infrastructures ira de pair avec une réorganisation de la chaîne d’approvisionnement en médicaments. En assurant la disponibilité permanente des produits, la tentation de circuits parallèles devrait reculer, estime-t-on au cabinet du ministre.
Population et soignants, un même espoir
Dans les couloirs, quelques infirmiers confient attendre « des actes concrets » pour renouer avec la fierté d’exercer. Des patients, croisés à la sortie, saluent l’initiative : « Si les médicaments redeviennent accessibles, nous retrouverons confiance », souffle une mère de trois enfants hospitalisés depuis une semaine.
La pression sociétale joue ainsi le rôle de vigie. Entre exigence citoyenne et engagement ministériel, l’hôpital de Talangai se trouve à un carrefour : soit retourner aux habitudes, soit saisir l’occasion de devenir vitrine d’une offre publique rénovée.
Dans un paysage sanitaire où chaque succès crée un précédent, le ministre espère que le sursaut de Talangai inspirera d’autres hôpitaux de la capitale, puis, au-delà, l’ensemble du réseau national.
Le rendez-vous est désormais fixé : un prochain passage ministériel vérifiera les engagements. Entre-temps, direction et personnel savent que la société attend des résultats tangibles, et rapides, pour juger du changement.
Pour nombre d’observateurs, la clé sera la transparence : publication mensuelle des recettes, affichage des prix, suivi numérique des stocks. Autant d’outils simples que le ministère souhaite généraliser afin de couper court aux suspicions et rétablir la crédibilité.
La balle est désormais dans le camp des équipes, avertit-on directement dans l’entourage ministériel.
