Le Congo face à l’exigence mondiale de transparence
Dans un contexte international où la redevabilité constitue un critère déterminant d’attractivité économique, la République du Congo serre les rangs autour de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Réunis à Brazzaville, les décideurs ont rappelé les engagements pris dès l’adhésion du pays à cette norme mondiale. L’objectif immédiat est la publication, avant fin 2025, d’un rapport exhaustif portant sur l’exercice 2024, document clé pour la prochaine validation du dossier congolais auprès du Secrétariat international.
Un impératif économique et social sous le regard des bailleurs
Le secteur extractif, qui demeure la principale source de devises pour le Trésor public, se trouve à la croisée des chemins. À la fluctuation persistante des cours pétroliers s’ajoutent les attentes croissantes des partenaires financiers multilatéraux. Selon les derniers chiffres du ministère des Finances, près de 55 % des recettes budgétaires provenaient encore des hydrocarbures en 2023. La consolidation des données de production et des revenus fiscaux ne relève plus du seul intérêt comptable ; elle est également perçue comme un signal éthique à l’endroit des populations et des investisseurs qui scrutent la stabilité réglementaire et la cohérence des réformes.
Le prisme de la gouvernance internationale et des indicateurs ITIE
La méthodologie imposée par l’ITIE s’articule autour d’une chaîne de valeur complète : attribution de licences, perception des taxes, gestion des revenus et redistribution. Christian Yoka, ministre des Finances, a exhorté les administrations sectorielles à harmoniser leurs bases de données pour éliminer les écarts déclaratifs susceptibles de fragiliser la notation du pays. À ses côtés, Arlette Soudan-Nonault et Rosalie Matondo ont insisté sur la contextualisation environnementale, rappelant que la sauvegarde du Bassin du Congo demeure indissociable d’une exploitation responsable des ressources fossiles et forestières.
Des réformes structurelles en gestation pour sécuriser la traçabilité
Parmi les pistes évoquées figure la mise en place d’un registre cadastral numérique unifié, capable de croiser en temps réel les titres miniers et les flux financiers correspondants. Le ministère du Budget planche aussi sur une plateforme électronique de déclaration, destinée à limiter les reports manuels souvent synonymes d’opacité. Ces évolutions devraient bénéficier du soutien technique de plusieurs partenaires au développement, dont la Banque mondiale, qui encourage la dématérialisation afin d’accroître l’efficacité administrative et de réduire les coûts de conformité pour les entreprises.
La société civile, vigie indispensable du processus de validation
Le modèle ITIE repose sur un dialogue tripartite intégrant l’État, les entreprises et les organisations citoyennes. À Brazzaville, les représentants des plateformes de la société civile ont salué l’ouverture des débats, tout en réclamant un accès plus systématique aux données. Pour Florent Michel Mokoko, coordonnateur national de l’initiative, « nous avons douze mois pour lever les réserves, démontrer notre capacité d’audit interne et surtout institutionnaliser la publication proactive des contrats ». Ce cap est jugé essentiel pour crédibiliser la parole publique et prévenir les suspicions de dissipation des rentes extractives.
Perspectives et défis d’ici 2025 : entre diplomatie économique et attentes nationales
La feuille de route dévoilée engage les autorités à produire, pour la première fois, un rapport intermédiaire semestriel afin de tester la robustesse des dispositifs de collecte. Cette cadence inédite devrait renforcer la discipline statistique et offrir aux investisseurs un référentiel actualisé sur l’environnement des affaires congolais. Sur le plan interne, le gouvernement espère que la transparence accrue nourrira un climat de confiance propice à l’élargissement de l’assiette fiscale, condition sine qua non pour financer les programmes sociaux inscrits dans le Plan national de développement 2022-2026.
Au-delà des aspects techniques, la réussite de ce chantier repose sur une volonté politique constante, saluée par plusieurs chancelleries africaines qui considèrent l’expérience congolaise comme un laboratoire régional. Les mois à venir seront donc décisifs : il s’agira non seulement de répondre aux exigences de l’ITIE, mais aussi d’ancrer durablement, dans les pratiques administratives, le réflexe de reddition des comptes. En filigrane, Brazzaville joue sa crédibilité sur la scène financière internationale, tout en consolidant le pacte de confiance avec sa population.