Une innovation pédagogique sous la houlette du Fonea
Le dernier jour de juillet, sur l’esplanade du ministère de la Jeunesse à Brazzaville, un conteneur métallique s’est mué en symbole de politique publique. Il s’agit de la première unité mobile de formation déployée par le Fonds national d’appui à l’employabilité et à l’apprentissage. L’initiative, placée sous le haut patronage du ministre Hugues Nguolondélé, consacre la volonté gouvernementale de rapprocher l’offre de compétences des bénéficiaires : la jeunesse, souvent cantonnée en marge des pôles urbains où se concentrent écoles et entreprises.
En s’orientant vers l’électricité, le Fonea a opté pour une filière à forte valeur sociétale. Dans un pays où l’accès à l’énergie demeure un facteur stratégique de développement, forger une main-d’œuvre qualifiée équivaut à consolider la souveraineté technologique et à soutenir la croissance industrielle. « Nous n’avons pas voulu d’un gadget, mais d’un outil à la hauteur des standards internationaux », a confié Patrick-Robert Ntsibat, directeur général du Fonea, soulignant que le conteneur-école intègre équipements de mesure, tableaux didactiques et postes de simulation dignes d’un laboratoire universitaire.
Réduire la fracture territoriale de l’apprentissage
Selon les estimations de l’Institut national de la statistique, près de 60 % des jeunes congolais vivent hors des capitales départementales. Or la cartographie des Centres d’éducation, de formation et d’apprentissage reste concentrée dans les deux grandes agglomérations que sont Brazzaville et Pointe-Noire. La nouvelle unité mobile, tractée par un camion tous-terrains et autonome grâce à un groupe électrogène de 65 kVA, constitue une réponse concrète à cette disparité géographique.
Le dispositif pourra séjourner plusieurs semaines dans un district avant de poursuivre sa route. Ainsi, un adolescent de Makoua ou d’Impfondo pourra, sans quitter sa localité, acquérir les fondamentaux du câblage domestique, de la sécurité basse tension ou de la maintenance préventive. À terme, le Fonea envisage un maillage de plusieurs conteneurs afin de couvrir l’ensemble des douze départements et de dépasser le seul secteur électrique pour investir la plomberie ou la mécatronique.
Synergies institutionnelles et logique de filière
Derrière le conteneur-école se dessine une architecture partenariale. L’Agence congolaise pour l’emploi garantit l’intermédiation entre stagiaires et entreprises, tandis que les Cefa assurent la validation des acquis. « Il ne s’agit pas d’isoler une initiative, mais de l’inscrire dans un continuum allant de la détection des talents jusqu’à leur insertion », résume un conseiller du ministère de l’Enseignement technique. Ce maillage public-privé répond aux orientations du Plan national de développement qui fait de la formation professionnelle un levier de diversification de l’économie.
Les industriels de l’énergie, regroupés au sein de la Fédération des entreprises du Congo, observent l’expérience avec intérêt. Un représentant de la société Electraco note que « le secteur fait face à un besoin accru de techniciens intermédiaires ; disposer d’une filière courte, mobile et certifiante est un atout pour la compétitivité locale ».
Défis énergétiques et exigences techniques
Le cœur technologique du module repose sur un plateau didactique de référence, refroidi par trois compresseurs de cinq chevaux chacun. Cette climatisation puissante illustre un paradoxe typique des pays d’Afrique centrale : pour former à l’électricité, il faut d’abord sécuriser sa propre alimentation. L’autonomie énergétique de l’unité permet toutefois de contourner l’intermittence du réseau et de se positionner en démonstrateur de solutions hors-réseau.
Au-delà de la pédagogie, le conteneur sert de vitrine à des pratiques de gestion rationnelle de l’énergie. Les stagiaires apprennent à optimiser les charges, à calibrer les protections ou à documenter les interventions, autant de gestes professionnels qui conditionnent la stabilité future du système électrique national. L’expérience pourrait, selon plusieurs observateurs, nourrir la réflexion sur les micro-grids que le gouvernement entend déployer dans les zones rurales.
Un levier pour l’employabilité et la cohésion sociale
Le Congo connaît un taux de chômage des 15-29 ans estimé à 20 %, alors même que les acteurs économiques peinent à recruter des techniciens qualifiés. En dotant la jeunesse de compétences immédiatement mobilisables, l’unité mobile vise à réduire cet écart critique entre offre et demande de travail. Le Fonea table sur un millier de diplômés par an dès la mise en circulation d’un second module, prévue pour 2025.
Mais l’enjeu dépasse la seule insertion individuelle. En offrant des perspectives crédibles aux quartiers populaires, l’action contribue à apaiser les tensions socio-territoriales et à renforcer le sentiment d’appartenance nationale. « Former un jeune, c’est aussi sécuriser son environnement et consolider la cohésion », observe le sociologue Jean-Brice Okoua, spécialiste des politiques publiques d’insertion. À l’heure où Brazzaville explore de nouvelles sources de croissance, le conteneur-école apparaît ainsi comme un micro-laboratoire d’avenir, capable d’éclairer, au sens propre comme au figuré, le chemin des talents congolais.