A Brazzaville, une célébration aux couleurs turques
Le 29 octobre 2025, l’hôtel Radisson Blu de Brazzaville a troqué son atmosphère feutrée pour les drapeaux rouges et blancs de la Türkiye. Un cocktail dînatoire, offert par l’ambassadeur Hilmi Ege Türemen et son épouse, marquait le 102e anniversaire de la République turque.
Autour de lui se tenaient Denis Christel Sassou-Nguesso, ministre de la Coopération internationale et de la Promotion du partenariat public-privé, le ministre de la Défense Charles Richard Mondjo et le vice-amiral Jean-Dominique Okemba, secrétaire général du Conseil national de sécurité, accompagnés d’invités turcs et d’anciens boursiers congolais.
Dans son allocution, l’ambassadeur a rappelé que le 29 octobre 1923 vit la proclamation de la République par la Grande Assemblée nationale, point final d’une guerre d’indépendance qui tourna la page ottomane et ouvrit celle d’un État moderne voulu par Mustafa Kemal Atatürk.
Saluant la « stabilité politique et l’essor économique » de son pays, Hilmi Ege Türemen a également évoqué le cessez-le-feu annoncé à Gaza, en exprimant l’espoir qu’il débouche sur une solution à deux États, perspective activement soutenue par Ankara sur la scène multilatérale.
Soixante-cinq ans de relations bilatérales
L’année 2025 coïncide avec le 65e anniversaire de l’établissement de liens diplomatiques entre Brazzaville et Ankara, un jalon rappelé avec fierté par le diplomate turc devant ses invités.
Au fil des décennies, les échanges sont passés de contacts protocolaire à des initiatives structurantes, à l’image des vols réguliers d’une compagnie turque qui facilitent aujourd’hui déplacements officiels, tourisme d’affaires et acheminement de marchandises vers le port en eaux profondes de Pointe-Noire.
Cette relation a pris une nouvelle dimension dix ans plus tôt, lorsque les deux capitales ont ouvert des ambassades respectives en 2013 et 2014, facilitant des échanges politiques, économiques et culturels en croissance constante.
En 2024, la rencontre des présidents des deux pays à Kazan, en marge du sommet des BRICS, puis la visite de travail du Premier ministre congolais Anatole Collinet Makosso à Ankara, ont confirmé la volonté partagée d’élargir le partenariat.
Prochain jalon annoncé : le déplacement à Ankara d’une délégation du groupe d’amitié parlementaire Congo-Türkiye, appelée à consolider la coopération législative et à multiplier les passerelles institutionnelles entre les deux nations.
Des projets concrets qui lient les deux capitales
Au-delà des discours, l’ambassadeur Türemen a insisté sur la nécessité de « multiplier les projets communs » pour traduire la proximité politique en retombées tangibles pour les populations.
Les échanges universitaires occupent une place centrale : plusieurs anciens étudiants congolais formés en Türkiye étaient présents, témoignant d’un vivier de compétences appelé à nourrir des collaborations en ingénierie, santé ou administration.
Sur le terrain économique, la promotion du partenariat public-privé, portée par le ministre Denis Christel Sassou-Nguesso, devrait offrir un cadre propice à l’implantation d’entreprises turques dans des secteurs variés, de la construction aux nouvelles technologies.
Les besoins en infrastructures sociales, notamment les hôpitaux et les écoles, ont été cités comme des créneaux où l’expertise turque, reconnue pour la rapidité d’exécution, pourrait s’allier aux priorités du Plan national de développement congolais.
Le diplomate a aussi cité l’artisanat, le tourisme et la défense comme champs appelés à prospérer grâce à un climat jugé « mutuellement bénéfique » par Brazzaville et Ankara.
Dans le domaine culturel, l’idée d’une saison croisée Türkiye-Congo, avec expositions, concerts et gastronomie, a été évoquée, afin de nourrir la perception mutuelle et d’encourager un tourisme bilatéral encore modeste mais prometteur.
Une dynamique régionale saluée par les partenaires
Membre de l’OTAN, du Conseil de l’Europe et des Nations unies, la Türkiye revendique, selon son ambassadeur, un rôle actif dans la résolution des crises, atout mis en avant pour renforcer la confiance de ses partenaires africains.
Pour la République du Congo, cette posture s’inscrit dans une stratégie d’ouverture à des alliances diversifiées, complémentaire de ses engagements au sein de la CEMAC et des BRICS, ainsi que de son programme de diversification économique.
Charles Richard Mondjo a, pour sa part, souligné la coopération en matière de sécurité maritime, rappelant que les deux pays partagent un intérêt pour la surveillance des routes stratégiques qui relient la Méditerranée, l’Atlantique et le golfe de Guinée.
La future session de la commission mixte, attendue en 2026, devrait dresser un inventaire des accords en vigueur et identifier de nouveaux axes, notamment l’économie verte et la transformation numérique, deux priorités réaffirmées par le ministre congolais de la Coopération internationale.
Le chercheur congolais Alain Mabiala, présent dans la salle, a salué « une diplomatie pragmatique qui mise sur l’échange de compétences plutôt que sur l’endettement », estimant que la complémentarité Turquie-Congo peut devenir un levier pour l’emploi des jeunes urbains.
En clôturant la soirée, Hilmi Ege Türemen a levé son verre « à soixante-cinq nouvelles années d’amitié », formule reprise en chœur par les représentants congolais, preuve d’une dynamique qui dépasse les protocoles pour s’ancrer durablement dans la coopération concrète.
