Une rencontre à haute portée symbolique
Accueillis au Palais du peuple le 23 octobre 2025, les évêques du Congo, conduits par Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou, ont remis au chef de l’État le message issu de leur 54ᵉ assemblée plénière. L’audience a souligné la qualité du dialogue constant entre l’Église catholique et les institutions nationales.
Quelques heures plus tôt, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso avait reçu la même délégation à la Primature. Cette double étape, rare dans le calendrier ecclésial, exprime la volonté de placer la concertation au cœur de la gouvernance, conformément à l’esprit de l’Accord-cadre signé en 2017.
La jeunesse au cœur des entretiens
Le phénomène des « bébés noirs », associé au banditisme urbain, a dominé les échanges. Les évêques ont rappelé que l’insécurité frappe d’abord les quartiers populaires et qu’une réponse équilibrée doit conjuguer prévention, responsabilité familiale et action policière respectueuse de la dignité des jeunes.
Le président Denis Sassou Nguesso a salué cette approche globale, insistant sur la nécessité d’offrir des perspectives d’insertion. Le programme gouvernemental d’apprentissage et de sport scolaire a été présenté comme un levier pour détourner les adolescents de la délinquance et renforcer la cohésion sociale.
Regards croisés sur les droits humains
Les prélats se sont inquiétés de certains débordements attribués à l’opération « zéro Kuluna ». Ils ont toutefois reconnu les efforts constants visant à sécuriser les villes. « La personne humaine est sacrée et la paix reste un bien commun », a souligné Mgr Manamika, plaidant pour un équilibre entre fermeté et respect des procédures.
Les autorités ont assuré que les forces agissent dans un cadre légal clarifié. Un comité de suivi, associant ministères et société civile, devrait être renforcé afin de recueillir signalements, vérifier les faits et, le cas échéant, corriger les pratiques. L’objectif partagé demeure la confiance entre citoyens et institutions.
L’Accord-cadre Église-État, un chantier partagé
Parmi les priorités, l’aboutissement des textes d’application de l’Accord-cadre de 2017 figure en bonne place. Les évêques souhaitent un calendrier précis pour la reconnaissance des établissements d’enseignement catholique et la participation de l’Église à certains programmes de santé publique.
Le chef du Gouvernement a rappelé que les ministères concernés finalisent les décrets d’ici la prochaine session parlementaire. Cette avancée, attendue des fidèles comme des partenaires étrangers, devrait clarifier la contribution de l’Église au développement tout en garantissant la neutralité confessionnelle de l’État.
Une université à Pointe-Noire en perspective
Autre projet évoqué : la construction d’une université catholique dans l’archidiocèse de Pointe-Noire. Les études architecturales sont terminées et un appel d’offres a été lancé pour la première tranche dédiée aux sciences de la santé. L’État a confirmé son appui logistique, notamment l’accès au réseau électrique et routier.
Les évêques voient dans cet établissement un outil d’excellence susceptible de retenir les talents sur le sol national et de répondre aux besoins de formation supérieure. Le ministère de l’Enseignement supérieur accompagnera le processus d’agrément, une fois les locaux conformes aux normes académiques.
Mutualiser les efforts pour l’éducation
Au-delà de cette université, les deux parties ont insisté sur la synergie à renforcer dans les écoles primaires et secondaires. Les internats ruraux gérés par les diocèses accueillent actuellement près de 30 000 élèves. Un programme pilote de cantines scolaires cofinancé avec le ministère des Affaires sociales devrait démarrer en 2026.
Les évêques ont proposé d’intégrer dans les curricula des modules de civisme, d’écologie et de culture entrepreneuriale. Cette initiative, compatible avec la réforme en cours du système éducatif, vise à outiller la jeunesse pour les défis de la transition économique et des changements climatiques.
Des célébrations liturgiques respectées
Le respect des temps forts liturgiques a également été évoqué. Le gouvernement a réitéré son attachement à la liberté de culte, rappelant ses directives déjà en place pour éviter les réquisitions administratives durant les grandes fêtes religieuses.
Les évêques ont salué cette vigilance institutionnelle, la considérant comme un marqueur de la maturité démocratique congolaise. Ils ont toutefois encouragé une sensibilisation accrue des forces de l’ordre afin d’éviter tout malentendu sur le terrain, notamment lors des processions publiques.
Un nouvel évêque accueilli avec bienveillance
La délégation a présenté officiellement le nouvel évêque de Ouesso, récemment nommé par le pape. Le président a souhaité « plein succès à son ministère pastoral », soulignant la contribution des diocèses du nord à la cohésion nationale et à la gestion raisonnée des ressources forestières.
Cette nomination, intervenant dans un contexte de redynamisation spirituelle, a été perçue comme un signe de confiance envers la jeunesse cléricale du pays. Le ministère de l’Intérieur facilitera prochainement la prise de possession canonique du diocèse.
Vers un agenda social concerté
En conclusion de l’audience, le chef de l’État et la Conférence épiscopale ont convenu de rencontres thématiques trimestrielles. Elles permettront de suivre l’évolution des projets éducatifs, de partager des indicateurs sur la délinquance et de coordonner l’aide humanitaire en cas de crises sanitaires ou climatiques.
« L’Église et l’État parlent désormais d’une même voix pour relever le défi de la jeunesse », a résumé un conseiller présidentiel à l’issue de la rencontre. Cette dynamique confirme la place centrale du dialogue dans le modèle congolais de gouvernance inclusive.
