Suspension inédite des importations sensibles
On 2 novembre 2025, le ministère du Commerce a informé les opérateurs économiques de la suspension, jusqu’à nouvel ordre, des importations de machettes et de motos, toutes cylindrées confondues, conformément au renforcement du contrôle des produits dits sensibles.
Cette décision complète la série de mesures sécuritaires engagées ces derniers mois par les autorités de la République du Congo, soucieuses de préserver la tranquillité publique et de couper l’approvisionnement des délinquants en matériels couramment utilisés lors d’agressions.
Les opérateurs doivent désormais geler toute commande en cours, qu’elle arrive par mer ou par air, et dresser un inventaire détaillé des stocks, stipule la note circulaire distribuée dans les points de vente de Brazzaville et de Pointe-Noire.
Réactions contrastées dans la capitale
Sur l’avenue de la Paix, artère du troisième arrondissement, Joël, quadragénaire venu comparer les prix des deux-roues, juge la suspension « bonne », car nombre de malfaiteurs « se camouflent dans cette affaire de motos », tout en constatant des tarifs encore stables.
À quelques mètres, Nathanaël, habitant d’un quartier populaire en périphérie, craint l’effet inverse. Beaucoup de ruelles enclavées « demandent des motos », explique-t-il, redoutant une diminution de l’offre et une hausse possible du prix des trajets.
Entre adhésion à l’objectif sécuritaire et inquiétude quant au pouvoir d’achat, les riverains illustrent la tension constante entre protection collective et besoins de mobilité dans une agglomération en pleine croissance démographique.
Offensive contre les gangs urbains
Depuis fin septembre, des unités d’élite de la police et de la gendarmerie mènent une offensive contre les « bébés noirs » et les « Kulunas », accusés de semer la peur dans plusieurs quartiers de Brazzaville.
Les rapports d’enquête décrivent un mode opératoire précis : motos volées pour approcher la cible, machettes brandies pour terroriser ou mutiler, puis fuite rapide dans les artères embouteillées de la capitale.
En tarissant simultanément l’arrivée des deux outils, le gouvernement espère priver les groupes violents de moyens logistiques, consolider le sentiment de sécurité et conforter l’offensive engagée par les forces de l’ordre.
Un coup de semonce pour le monde agricole
Dans les campagnes du Pool, des Plateaux et de la Cuvette, la machette reste l’outil quotidien du cultivateur, indispensable pour défricher, élaguer ou récolter manioc, bananes et arachides.
Les agriculteurs, déjà confrontés aux coûts du carburant et des intrants, redoutent qu’une pénurie ne renchérisse cet accessoire basique, compromettant la préparation des parcelles avant la prochaine saison culturale.
Le ministère de l’Agriculture envisage donc, selon plusieurs responsables consultés, des dérogations ciblées permettant aux coopératives enregistrées d’importer ou d’acheter localement l’outillage essentiel sans affaiblir l’élan sécuritaire.
Professionnels du transport sur la brèche
Les conducteurs de taxis-motos de Talangaï, Makélékélé ou Bacongo craignent une érosion de leurs revenus si les pièces détachées viennent à manquer ou si le parc existant ne peut être renouvelé à temps.
Plusieurs d’entre eux envisagent déjà d’ajuster les tarifs afin de répercuter un éventuel surcoût des pièces et du carburant, un choix qui pèserait sur des usagers aux budgets serrés.
La suspension intervient alors que la demande de mobilité augmente avec l’approche des festivités de fin d’année. L’équilibre entre ordre public et fluidité des déplacements se joue donc dans les prochaines semaines.
Vers un encadrement durable des filières
Aucune date précise n’est avancée, mais la note gouvernementale évoque une refonte des procédures : traçabilité renforcée, enregistrement obligatoire des grossistes et délivrance de licences pour chaque lot importé.
Les importateurs, prudents, redoutent un allongement des contrôles, mais saluent la clarté naissante. « Mieux vaut des règles lisibles que des saisies inattendues », confie un opérateur rencontré au port de Pointe-Noire.
Dans l’immédiat, la population observe l’évolution des stocks. Si aucune flambée des prix n’est constatée, la mesure pourrait s’imposer comme un compromis efficace entre impératif sécuritaire et maintien des activités économiques.
En associant progressivement les secteurs concernés, le gouvernement espère transformer cette suspension d’urgence en véritable réforme structurelle, capable de contenir la criminalité tout en soutenant la mécanisation raisonnée de l’économie congolaise.
Une résonance au-delà des frontières
Les partenaires étrangers suivent aussi le dossier. Plusieurs fournisseurs asiatiques ont suspendu l’expédition de cargaisons tant qu’aucun cadre légal pérenne n’est défini, signe que les décisions congolaises résonnent au-delà des frontières commerciales traditionnelles.
Sur le terrain diplomatique, Brazzaville insiste toutefois sur le caractère souverain de la mesure et assure que le dialogue technique avec les pays fournisseurs permettra de rétablir des flux conformes aux nouvelles normes sans rupture prolongée.
