Une campagne citoyenne à Makélékélé
Dans les ruelles animées de Makélékélé, premier arrondissement de Brazzaville, des bénévoles portant des chasubles vertes frappent aux portes depuis le début du mois. Leur mission : rappeler que l’obtention de la carte nationale d’identité est un droit pour tous.
Sous le slogan « Ta carte est un droit », l’Association le Congo ma passion d’Afrique centrale, dirigée par Gaëtane Princesse Mouangassa, espère enrôler 1 500 habitants des quartiers Diata et Château d’Eau, cœur battant de la troisième circonscription électorale.
Le lancement officiel s’est déroulé dans la cour de l’école primaire Massamba-Débat, où l’on a vu se mélanger élèves curieux, mères de famille et notables. Chaque intervention mettait l’accent sur la gratuité complète de la démarche initiée par l’État.
« Nous allons poursuivre maison après maison jusqu’à ce que personne ne reste sans pièce d’identité », insiste Mme Mouangassa, applaudie par un public conquis. Son association compte sur un réseau de jeunes volontaires aguerris à la sensibilisation de proximité.
Pourquoi la carte nationale d’identité compte
Au Congo-Brazzaville, la carte nationale d’identité ne sert pas qu’à prouver son âge ou son adresse. Elle conditionne l’ouverture d’un compte bancaire, l’inscription aux concours publics, l’accès à certains soins et, surtout, la participation aux différents scrutins.
D’après les services de l’état civil, de nombreux citoyens majeurs vivent encore sans pièce officielle, soit faute d’information, soit par crainte de démarches jugées longues. Cette situation limite leurs droits civiques et complique la planification des politiques publiques.
L’opération lancée à Makélékélé s’inscrit dans les engagements nationaux pris pour moderniser l’enregistrement des faits d’état civil, appuyés par plusieurs partenaires techniques et financiers. Elle matérialise, à l’échelle d’un quartier, la volonté de rapprocher l’administration des citoyens.
Le ministère en charge de la Sécurité publique souligne que la carte biométrique offre une plus grande fiabilité des listes électorales et limite les risques de fraude. Différentes campagnes ciblées devraient ainsi être poursuivies dans les autres arrondissements.
Les ONG actives dans la gouvernance estiment que la possession d’une carte d’identité renforce également la lutte contre la corruption, chaque transaction officielle laissant désormais une trace. Elles plaident pour la création d’un guichet unique regroupant état civil, santé et assurance.
L’enrôlement, mode d’emploi simplifié
À Diata, le commissariat de police a réorganisé ses guichets pour accueillir le flux attendu. Les postulants doivent simplement présenter un acte de naissance original ou un duplicata, accompagné d’une photo d’identité récente au format réglementaire.
Une fiche est ensuite remplie sur place par l’agent habilité, qui saisit les informations dans la base centrale avant de prendre les empreintes digitales. Le récépissé délivré permet déjà d’accomplir plusieurs démarches administratives en attendant la production définitive.
Selon le commandant du poste, le délai moyen oscille entre deux et trois semaines, contre plus d’un mois auparavant. L’amélioration est attribuée au renforcement du réseau informatique et à l’arrivée de kits d’enrôlement supplémentaires.
Un technicien du centre explique que les terminaux, alimentés par panneaux solaires, fonctionnent même lors des coupures d’électricité qui touchent régulièrement la capitale. Cette autonomie renforce la confiance des usagers, qui craignaient auparavant un ralentissement dû au manque d’énergie.
Voix des habitants
Dans la file d’attente, Léonne Mpoui, 18 ans, confie qu’elle patientait depuis ses 16 ans pour se faire identifier. « Avec cette carte, je pourrai voter et voyager à l’intérieur du pays sans inquiétude », explique-t-elle, sourire aux lèvres.
Plus loin, Marcel Mabiala, vendeur ambulant, estime que la campagne facilite la vie des travailleurs informels. Sans pièce, il ne pouvait ouvrir de compte mobile money pour sécuriser sa recette quotidienne. « C’est une délivrance », se réjouit-il.
Les chefs de quartiers, régulièrement consultés, encouragent également l’opération. Ils y voient un moyen d’actualiser leurs registres de population et de mieux orienter les programmes sociaux destinés aux personnes vulnérables.
Pour les jeunes recrues de l’Acmcap, l’initiative sert aussi d’école de citoyenneté. « Nous apprenons à dialoguer et à écouter les besoins des anciens », témoigne Ritha Ondongo, 22 ans, ravie d’avoir convaincu déjà cinquante foyers.
Un signal pour 2026
La prochaine élection présidentielle, prévue en 2026, constitue en toile de fond l’enjeu majeur de cette mobilisation. Disposer d’un registre électoral fiable est perçu comme la garantie d’un scrutin apaisé et inclusif.
Interrogé sur place, un représentant de la commission électorale locale rappelle que seules les personnes titulaires d’une carte valide pourront être enrôlées. L’actuelle opération, affirme-t-il, anticipe ainsi les afflux de dernière minute souvent observés.
Les autorités municipales saluent la démarche de l’Acmcap, qu’elles considèrent comme complémentaire aux campagnes institutionnelles. « La société civile est un relais indispensable », souligne le maire adjoint, évoquant une possible extension du partenariat à d’autres services publics.
D’ici là, les mobilisateurs poursuivent leur porte-à-porte, carnet en main. Chaque enrôlement réussit, expliquent-ils, rapproche un peu plus le pays de son ambition : faire de l’identité officielle le premier pas concret vers une citoyenneté pleine et assumée.
