Pointe-Noire au cœur d’une réflexion régionale
Pointe-Noire a accueilli, du 4 au 7 novembre, le 45e Conseil annuel de l’Association de gestion des ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Autour des directeurs généraux, experts et partenaires, la table ronde a exploré les ressorts d’une croissance portuaire plus durable.
Les discussions ont rapidement glissé vers un constat partagé : sans coopération renforcée, les ports africains risquent de voir fondre leur compétitivité face à l’essor du trafic mondial. L’urgence d’une synergie structurée s’est donc imposée comme fil rouge des deux journées de débats.
Un patrimoine domanial sous pression
La maîtrise du foncier portuaire s’affirme comme le premier défi. Dans plusieurs capitales, l’expansion urbaine grignote les emprises logistiques, réduisant la capacité d’accueil des terminaux. Les membres de l’Agpaoc cherchent des réponses concertées pour préserver cette richesse rare, socle d’activités industrielles et d’emplois.
Le cas du Gabon, où certains ports auraient perdu jusqu’à deux tiers de leurs terrains, illustre la complexité du dossier. À l’inverse, Douala a pu récupérer soixante-quinze millions de mètres carrés, rappelant qu’une politique foncière offensive peut inverser la tendance lorsque les acteurs sont mobilisés.
Cadres juridiques à harmoniser
Au-delà du foncier, les textes qui encadrent concessions, fiscalité et environnement montrent leurs limites. Les directeurs généraux plaident pour des législations convergentes, garantes d’une sécurité réglementaire attractive pour les investisseurs et d’une protection efficace des écosystèmes fragiles bordant le golfe de Guinée.
Des équipes mixtes pourraient examiner les réformes adoptées au Sénégal ou au Bénin, puis proposer un socle minimal commun. « Nous ne partons pas de zéro, mais il faut rendre nos règles lisibles à l’échelle régionale », a avancé un haut responsable sous couvert d’anonymat.
Zone logistique, accélérateur d’intégration
Les échanges ont insisté sur le potentiel des zones logistiques portuaires, plateformes servant de ponts entre trafic maritime, routes régionales et courants commerciaux de la Zone de libre-échange continentale africaine. Leur montée en puissance faciliterait le transit et réduirait les formalités qui pèsent encore sur la marchandise.
Des outils numériques de suivi douanier, déjà testés à Abidjan, pourraient être étendus. L’Agpaoc ambitionne de partager données et bonnes pratiques en temps réel, afin d’aider chaque port à fluidifier ses corridors, tout en maintenant un contrôle adapté sur les flux sensibles ou à valeur élevée.
Financer l’expansion sans grever les budgets publics
L’ampleur des investissements nécessaires appelle des montages innovants. Les participants ont évoqué le recours aux partenariats public-privé, à la titrisation des recettes domaniales et à la valorisation de terrains non exploités. L’objectif reste de construire des quais profonds et doter les ports d’outils digitaux performants.
Plusieurs intervenants estiment que le patrimoine peut devenir une source de revenu stable, à condition de fixer des loyers cohérents et de surveiller la qualité des aménagements réalisés par les concessionnaires. Cette approche permettrait de limiter l’endettement public tout en maintenant un haut niveau d’ambition.
Exemple du Port autonome de Pointe-Noire
Actualisé en 2015, le plan directeur du Papn s’appuie sur un projet d’extension du terminal à conteneurs de 750 mètres linéaires, profondeur de dix-sept mètres, afin de recevoir des navires long de quatre cents mètres. Les travaux s’inscrivent dans une stratégie voulue inclusive par les autorités congolaises.
Le port de Pointe-Noire, considéré comme porte océane d’Afrique centrale, mise également sur un parc logistique et des dessertes ferroviaires modernisées. Les responsables rappellent que ces investissements participent à la politique nationale de diversification économique, encouragée par le gouvernement pour réduire la dépendance aux revenus pétroliers.
Douala et Libreville, laboratoires d’innovation
Au Cameroun, l’autorité portuaire a lancé un vaste programme de dragage, accompagné d’outils de gestion satellitaire du trafic. Libreville, pour sa part, expérimente des corridors écologiques afin de limiter l’empreinte carbone des manutentions. L’Agpaoc voit dans ces initiatives des prototypes exportables vers d’autres membres.
Martin Boguikouma, directeur général de l’Oprag et président de la table ronde, estime que « la diversité des modèles est une richesse ; notre tâche consiste désormais à identifier les solutions transposables et à les adapter finement aux réalités locales sans perdre l’esprit de coopération ».
Vers une feuille de route commune Agpaoc
Un document d’orientation, en cours de finalisation, détaillera les étapes pour consolider la gouvernance foncière, harmoniser les cadres juridiques et créer un observatoire permanent des zones logistiques. Les membres se verront proposer un calendrier strict, avec bilans intermédiaires lors des prochains conseils annuels.
En attendant, les participants repartent avec un même mot d’ordre : intensifier les synergies. Sur une façade atlantique en mutation rapide, cette coordination apparaît comme la clé d’une valorisation durable des ports, levier décisif de la compétitivité régionale et de la prospérité partagée.
