Un 26 juin mobilisateur pour les droits humains au Congo-Brazzaville
Chaque 26 juin, la communauté internationale commémore l’entrée en vigueur de la Convention contre la torture. À Brazzaville, cette date s’est traduite par la tenue d’une conférence organisée par le Centre d’actions pour le développement, ONG fondée en 2021 qui s’est imposée comme l’un des interlocuteurs incontournables du débat sur les droits fondamentaux. Devant un parterre d’universitaires, de diplomates et de représentants des pouvoirs publics, le directeur exécutif Trésor Nzila Kendet a rappelé que la torture « constitue une trahison de la dignité humaine que nul État ne saurait tolérer ». Si le ton se veut ferme, l’initiative a surtout pour ambition de créer un espace de dialogue, condition sine qua non de toute politique de prévention efficace.
La cartographie des cas signalés : chiffres, limites et perceptions
Le CAD recense, pour le seul premier semestre 2024, près de quarante affaires qualifiées de torture ou de mauvais traitements. Depuis 2021, plus de deux cents dossiers auraient été documentés, un chiffre que d’autres organisations estiment comparable. Ces statistiques, encore fragmentaires, soulignent l’importance d’un système unifié de collecte et de vérification des données, capable de distinguer la torture stricto sensu de l’ensemble des violences illégitimes. Des voix internes aux forces de l’ordre insistent, par ailleurs, sur la nécessité de contextualiser chaque cas afin d’éviter les amalgames et de renforcer la crédibilité des enquêtes administratives en cours.
Un arsenal juridique étoffé, mais un défi d’effectivité persistant
Le Congo-Brazzaville a ratifié la Convention contre la torture en 2003 et inscrit le crime de torture dans son Code pénal révisé. À l’échelle régionale, l’État est partie au Protocole de la Charte africaine relatif aux droits de l’homme, tandis qu’au plan interne, la Commission nationale des droits de l’homme dispose d’un mandat élargi de monitoring des lieux de détention. Ce corpus normatif témoigne d’une volonté politique de conformité aux standards internationaux. Reste que l’effectivité de la norme dépend de la capacité des juridictions à instruire rapidement les plaintes, d’où l’importance des actions de sensibilisation destinées aux magistrats et aux officiers de police judiciaire, ainsi que la poursuite des programmes de formation déjà lancés avec le soutien du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Dialogue institutions-société civile : vers une gouvernance partagée de la prévention
Loin d’opposer ONG et pouvoirs publics, la conférence du 26 juin a mis en lumière la convergence d’intérêts entre acteurs étatiques et non étatiques autour d’un objectif commun : éradiquer la torture. Les représentants du ministère de la Justice ont rappelé la mise en place d’une cellule d’écoute destinée à recueillir les signalements, tandis que le ministère de l’Intérieur travaille, avec des partenaires internationaux, à l’introduction de caméras de surveillance dans certains postes de police. Dans une déclaration saluée par les participants, un haut fonctionnaire a reconnu que « la transparence est devenue un levier stratégique pour consolider la confiance entre citoyens et institutions ». Pour sa part, le CAD a proposé la création d’un mécanisme national de prévention, doté d’un budget propre et d’un accès sans entrave aux lieux de détention, proposition qui fait actuellement l’objet d’un examen inter-ministériel.
Vers une culture de la prévention et de la réparation
Au-delà de la stricte répression, la lutte contre la torture se joue aussi sur le terrain de la réparation et de la réinsertion des victimes. Le jeune étudiant Roberto Lissassi, devenu malvoyant à la suite de sévices subis, incarne la dimension humaine du problème. Son parcours judiciaire, marqué par une récente décision favorable de la cour d’appel, illustre les avancées mais pointe également la nécessité d’accélérer l’exécution des jugements. De nombreux observateurs estiment que l’instauration d’un fonds d’indemnisation alimenté conjointement par l’État et ses partenaires améliorerait la prise en charge médicale et psychosociale des survivants.
La promotion d’une culture de prévention, s’appuyant sur l’enseignement universitaire, les médias et les organisations communautaires, s’avère donc essentielle. Dans son allocution de clôture, le porte-parole du CAD a insisté : « Ne laissons jamais s’éteindre la parole des survivants ». En réponse, les représentants gouvernementaux ont réaffirmé la détermination du président Denis Sassou Nguesso à garantir que chaque agent public respecte le Code de conduite qui proscrit tout traitement inhumain. Le chemin reste exigeant, mais la dynamique de coopération observée ces dernières années laisse présager des avancées tangibles vers un espace civique où la dignité humaine ne serait plus négociable.