Une annonce qui résonne au-delà de la Rencontre des entrepreneurs francophones
Dans l’effervescence mesurée de la cinquième Rencontre des entrepreneurs francophones, organisée fin juin à Brazzaville, le président d’Africa Global Logistics, Philippe Labonne, a confirmé l’allocation d’un investissement cumulatif proche du milliard d’euros pour le port de Pointe-Noire à l’horizon 2027. Devant quelque trois mille décideurs venus sonder les perspectives d’affaires offertes par l’économie congolaise, cette déclaration a aussitôt servi de catalyseur, rappelant le rôle charnière que joue la grande plateforme maritime dans l’articulation des échanges intra-africains et dans la projection extracontinentale des exportateurs régionaux.
Du corridor Atlantique au carrefour de la ZLECAf : un positionnement stratégique
Situé à la jonction naturelle des corridors routiers et ferroviaires reliant le bassin du Congo à l’Atlantique, le port en eaux profondes de Pointe-Noire s’érige depuis quinze ans en pivot logistique. L’évolution des trafics, passés de 200 000 EVP en 2009 à plus d’un million d’unités annuelles depuis 2022, témoigne d’une montée en puissance rendue possible par les premiers cycles d’investissements d’AGL. À présent, la dynamique continentale de la Zone de libre-échange africaine confère à l’infrastructure une portée géo-économique accrue, tandis que la profondeur de 17 m prévue sur le nouveau quai du Môle Est permettra d’accueillir les navires de génération New-Panamax, réorientant une partie des flux transocéaniques vers la façade centre-atlantique.
Le Môle Est : vectorisation technologique et montée en gamme des services portuaires
Le chantier du Môle Est, dont la mise en service est programmée pour 2027, incarne la dimension technologique du projet. Parmi les priorités figurent l’automatisation partielle de la manutention, l’introduction de systèmes de gestion intégrée des terminaux et l’acquisition de grues pignons électriques à faible empreinte carbone. Cette montée en gamme n’est pas circonscrite aux équipements : AGL entend déployer un centre de formation certifié, dédié aux métiers portuaires et logistiques, afin de garantir l’adéquation entre compétences locales et standards internationaux. Selon l’entreprise, la massification accrue des flux autorisera des escales plus fréquentes, une baisse des coûts unitaires et une résilience renforcée des chaînes d’approvisionnement.
Des retombées socio-économiques articulées autour de la jeunesse congolaise
Au-delà des infrastructures, l’investissement nourrit une dimension sociale assumée. Les filiales congolaises d’AGL emploient actuellement près de 1 600 collaborateurs, effectif appelé à croître de 900 postes permanents supplémentaires avec l’entrée en activité du Môle Est. La priorité donnée au recrutement local, notamment parmi les diplômés des instituts techniques de Pointe-Noire et de Brazzaville, répond aux orientations du Plan national de développement qui fait de l’employabilité des jeunes un vecteur de stabilité et de croissance inclusive. Plusieurs conventions avec les universités publiques prévoient déjà des programmes d’alternance et de recherche appliquée sur la logistique portuaire.
Synergie multimodale : route, rail et fleuve au service de la compétitivité régionale
Le renouveau du port trouvera sa pleine efficacité dans l’intégration des chaînes de transport terrestre. AGL a confirmé la poursuite des travaux d’optimisation de la ligne CFCO, reliant Pointe-Noire à Brazzaville, ainsi que l’étude d’une connexion ferroviaire vers la future zone économique spéciale de Oyo-Lékana. Parallèlement, des investissements ciblés dans la flotte fluviale devraient fluidifier le trafic sur le fleuve Congo, complétant l’offre routière existante. Cette complémentarité multimodale pourrait, à moyen terme, réduire jusqu’à 20 % le coût logistique total sur certains segments, un avantage compétitif majeur pour les exportateurs de produits forestiers, agricoles et miniers.
Des impératifs environnementaux intégrés dans la gouvernance du projet
Conscient des exigences croissantes en matière de durabilité, le groupe mise sur un schéma énergétique reposant sur l’électrification progressive des engins de manutention et sur l’installation de centrales photovoltaïques de toit, capables de couvrir une part substantielle des besoins du terminal. Un plan de surveillance de la biodiversité marine a également été signé avec l’Institut congolais de la conservation de la nature afin de réduire l’impact des dragages d’entretien. Ces engagements sont appelés à renforcer l’attractivité du port auprès de chargeurs européens et asiatiques soumis à des standards environnementaux de plus en plus stricts.
Un signal macroéconomique positif pour la diversification impulsée par Brazzaville
Sur le plan macroéconomique, l’effort financier consenti par AGL concorde avec la stratégie gouvernementale de diversification, laquelle vise à graduellement lisser la dépendance aux hydrocarbures. Le port de Pointe-Noire, en offrant une interface logistique compétitive, devient un catalyseur pour les secteurs agro-industriel et manufacturier en gestation. Les partenaires bilatéraux et multilatéraux, à l’instar de la Banque africaine de développement, y voient un indicateur de confiance propice à l’amplification des financements structurants. Pour nombre d’analystes, la trajectoire d’investissement adoptée constitue un ancrage rassurant pour la stabilité macroéconomique du pays, tout en consolidant sa place dans la chaîne de valeur régionale.
Cap vers 2027 : entre prudence analytique et confiance mesurée
Si l’ambition affichée par AGL suscite un optimisme certain, les observateurs insistent néanmoins sur la nécessité de coordonner les réformes douanières, les mécanismes de facilitation des affaires et la diplomatie économique régionale pour maximiser les gains attendus. Les autorités congolaises, qui ont récemment simplifié les procédures de transit portuaire, entendent poursuivre cet alignement normatif. Dans un environnement international marqué par la reconfiguration des chaînes logistiques post-pandémiques, le port de Pointe-Noire se positionne comme un atout stratégique. En 2027, l’inauguration du nouveau terminal pourrait ainsi symboliser l’inscription durable du Congo-Brazzaville sur la carte des hubs africains capables de dialoguer d’égal à égal avec les grands complexes portuaires mondiaux.